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Les scribouilleries de Sabraya
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31 janvier 2013

Maïeutiques Obscures

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Traditionnellement, quand un enfant naît, une des premières paroles de l'obstétricien concerne le sexe du bébé. Les sages-femmes s'affairent des heures durant autour de cette future maman qui hurle et transpire, mais le médecin est seul à posséder le privilège de retirer l'enfant de ses entrailles et d'annoncer aux heureux parents le fameux «c'est une fille !» ou «c'est un garçon !».Quand Marie-Cécile naquit, sa mère tomba inconsciente avant ce fameux moment, mais le papa attendait le verdict avec impatience, la bouche ouverte et la larme à l’œil.

Silence général dans la salle d'accouchement, Docteur Weitzmann fait la moue et soulève un sourcil en examinant le petit être de manière experte.

  • Josy, occupez-vous de la toilette de cet enfant, s'il vous plaît. Je serai de retour dans dix minutes.

Une fois propre et vêtu, bébé se retrouve bien vite dans les bras de son père, fou de joie.

  • Madame? Madame... excusez-moi, je n'ai pas entendu le médecin, c'est une fille n'est-ce pas?

  • Et bien euh, en réalité je ... Le médecin ne l'a pas dit, répondit Josy, les joues rougies par la gêne.

  • Mais, enfin, vous l'avez lavée! Vous pourriez me dire,vous ? interrogea l'homme, inquiet.

  • Je préfère laisser le Docteur Weitzmann vous le confirmer. Il revient dans quelques minutes, profitez de votre petit bout de chou.

Et Josy prit la fuite prétextant laisser ce papa prendre conscience de son tout nouveau rôle.

 

Une fois seul avec son enfant, pas de doute pour François, c'était une petite fille et il la chérirait toute sa vie. Lorsque Weitzmann réapparut, il s'exprima à mi-voix en ces termes :

  • François, je suis terriblement embêté. Votre enfant présente un cas d'intersexuation assez singulière, il est victime d'une ambiguïté sexuelle que je n'avais jamais pu constater auparavant.C'est à dire qu'il possède des organes sexuels masculins et féminins.

  • Co...comment? C'est une blague? Est-ce que vous êtes en train de me dire que ma petite fille est un mec?!

François était abasourdi. De sa vie, il n'avait jamais entendu pareilles absurdités. Dans la vraie vie, on était homme ou femme, et jamais les deux à la fois. Manon se réveillait doucement, et il devrait lui expliquer qu'elle avait donné naissance à une espèce méconnue d'infra-humain. La belle affaire !

Mais avant qu'il ne puisse ouvrir la bouche, Weitzmann entonna à l'adresse de la mère alors complètement assise :

  • Félicitations Manon, vous avez été courageuse ! Je vais vous laisser en famille maintenant. Vous avez des choses à vous dire.

Manon adressa un vague sourire plein d'épuisement au médecin quittant la pièce. Elle pressa son enfant tout contre sa joue, ses grands yeux clairs perdus là où elle pensait trouver ceux de son mari.

  • Alors ?

    L'heureuse primipare articulait difficilement d'une voix nouvellement éraillée par l'effort.

  • Alors quoi? Biaisa-t-il, un instant. Et bien...Le médecin a dit que notre enfant se portait très bien avant toutes choses.

François tentait de la rassurer avant de lui annoncer la nouvelle mais son hésitation avait sur Manon l'effet tout à fait inverse.

  • On a une petite fille ou un petit garçon, trésor ? S’inquiéta-t-elle, le sourire s'effaçant peu à peu de ses lèvres livides.

  • Weitzmann est venu m'expliquer qu'elle était à la fois une fille et un garçon. Ambiguïté sexuelle, c'est le terme qu'il a utilisé il me semble. Je crois que ça veut dire que notre petite fille est une sorte d' hermaphrodite.

François avait décidé d'emblée que ce serait une fille, quoi qu'il arrive, et qu'elle ressemblait déjà à son épouse.

Manon, assommée, se mit à pleurer. Intraitable, jusqu'au petit matin, elle avait refusé de reprendre l'enfant dans ses bras. Lors de la première tétée, elle affichait une mine dégoûtée que François ne s'expliquait pas. Il aimait sa petite fille et il était inconcevable que sa femme ne puisse pas en faire autant. Weitzmann intervint le lendemain de l'accouchement, avec une pochette pleine de documents, cette fois vêtu d'un costume trois pièces qui le changeait beaucoup de la blouse blanche - très bel homme pour son âge -. Le dossier était composé de diverses publications scientifiques concernant l'intersexuation, et il venait pour leur expliquer ce qu'était leur bébé. Ce n'est que lorsqu'elle changea la couche de l'enfant elle-même pour la toute première fois que Manon parvint à s'adoucir et fut presque surprise de constater que ce qu'avait professé le médecin était désormais ancré dans sa réalité immédiate. Un minuscule pénis, presque risible, posé sur une vulve tout à fait conforme à l'idée que l'on s'en fait.

Weitzmann affirmait la probabilité pour l'enfant de développer davantage de caractéristiques masculines que féminines. Il prenait donc sur lui de déclarer la naissance d'un garçon.

Sur les papiers, le M majuscule sonnait faux pour François, chargé d'aller déclarer son enfant en mairie. Le prénom ne poserait aucun problème car ils s'étaient préparés aux deux éventualités. Jamais aux deux en même temps, mais ils avaient dit Marie-Cécile pour une fille et Benjamin pour un garçon. En toute logique et selon Weitzmann, ils avaient eu un Benjamin.

En chemin vers le centre ville il fulminait, revoyant le visage poupin de sa petite fille, ses longs cils et son regard attentif, jaugeant ce qui allait être son papa pour le restant de sa vie. Et ce médecin qui s'était permis d'imposer que sa fille soit un garçon sans qu'il ne puisse protester! Une fois à la mairie, la secrétaire fit peu de cas du fait qu'il venait nommer son garçon Marie-Cécile, elle se contenta de lever le nez vers lui en lui jetant un regard interloqué puis de réajuster ses lunettes. Mais le prénom choisi était bel et bien noté ,comme prévu. «Encore une fantaisie de maman hippie» pensa t-elle certainement, sans plus de formalités.



L'enfance de Marie-Cécile s'était plutôt bien déroulée. Après un baby blues commun à une majorité de nouvelles mamans, Manon s'était faite à la spécificité de Marie-Cécile et pliée à l'exigence de François selon laquelle ils considéreraient leur progéniture comme une fille... Et puis, avec un prénom pareil, elle n'avait plus tellement le choix. La décision de François avait été prophétique. Contre les attentes de l'obstétricien, Marie-Cécile avait tout d'une belle petite fille au visage angélique. Un teint lumineux, le sourire constamment planté sur de belles lèvres charnues , de grands yeux verts, et toujours ces cils très longs qui avaient convaincu son père le jour où elle est venue au monde qu'elle serait sa princesse quoi qu'en dise la médecine.

Elle était bonne élève et avait des copines tout aussi studieuses qu'elle. François et Manon Pratz s'étaient arrangés avec le médecin de famille pour qu'à chaque début d'année Marie-Cécile puisse avoir une dispense de sport, évoquant une sombre histoire de lombaires fragiles. Jusqu'en CM2 son sexe masculin n'avait pas été un problème, dans la mesure où seuls ses parents et les médecins chargés de la tenir sous surveillance étaient au courant. Cependant, plus les années passaient et plus il grossissait, ce fameux handicap. Elle avait des érections de plus en plus fréquentes et parfois même des éjaculations nocturnes qui lui causaient beaucoup de honte au réveil et la renvoyaient au constat qu' elle était quand même un peu garçon , un petit garçon seul à porter son fardeau. À l'âge de onze ans, elle s'était mis en tête qu'il fallait faire attention à ne pas tomber enceinte d'elle-même. Après maintes explications parentales et un tour chez la psychothérapeute, elle finit par assimiler qu'elle n'aurait jamais d'enfant de toute façon, puisque étant hermaphrodite stricte elle avait quatre-vingt-dix-neuf pour cent de chances d'être stérile.Ce qui paraissait un soulagement pour cette petite fille, deviendrait une plaie une fois jeune femme.



La puberté fut un cataclysme.Un quatre-vingt-quinze B bien rempli et vingt-et-un centimètres dans le caleçon à quinze ans ! Une curiosité scientifique pour les généticiens et autres endocrinologues mais une immense tristesse pour la jouvencelle. L'angoisse que Julie, Trycia et Mathilde découvrent cette chose immonde qu'elle ne pouvait plus dissimuler correctement sous ses vêtements la fit s'éloigner de celles-ci. Bientôt elle ne les vit plus, leurs SMS étaient effacés systématiquement, elles s'étaient mises à médire sur elle: bien sûr, M.C n'était qu'une égoïste, elle se prenait vraiment pour une star, elle avait sûrement trouvé d'autres amies plus riches ou plus populaires qu'elles. En réalité, elle était devenu un adolescent aussi dépressif qu'elle avait été une petite fille radieuse et souriante. A présent, lorsqu'elle détaillait son corps dans le miroir psyché de la salle de bain elle voyait un monstre. Parfois, elle apercevait la curiosité scientifique dont parlaient les docteurs, qui la tripotaient durant d'insoutenables minutes où la consultation médicale s'apparentait à un viol méthodique et froid. Elle en était certaine, plus personne ne pourrait l'aimer puisqu'elle n'était plus rien d'identifiable,ni une future femme, ni un homme en devenir, elle était quelque chose entre les deux et personne n'y pouvait rien.



Trois. C'est le nombre de tentatives de suicide qu'elle dut faire avant que ses parents ne la retirent de l'école pour lui permettre d'étudier à domicile par l'intermédiaire du CNED. Ne pouvant pas soutenir plus longtemps les regards interrogateurs qui la fouillaient continuellement et les rumeurs à l'entrée au lycée, ce fut un profond soulagement. Cependant, elle n'avait plus aucun contact avec des personnes de son âge.

Sur cette Terre, elle n'avait la présence bienveillante que de ses parents et de Nanny Cocotte .Tellement seule mais tellement plus sereine.

Souvent, Nanny l'emmenait se promener car elle ne supportait pas que sa petite-fille reste enfermée toute la journée.

  • Tu as le teint blafard ma petite Chérie. L'ordinateur c'est bien joli mais il faudrait parfois songer à voir le jour. Nanny, elle a pu avoir sa petite place au vide-maison de madame Blandin et ça me ferait bien plaisir que tu m'accompagnes.

Marie-Cécile ne refusait jamais rien à Nanny. C'est avec plaisir qu'elle se rendit le dimanche suivant chez Pauline Blandin munie de ses quelques économies, bras-dessus, bras-dessous avec sa tendre grand-mère. Tout ce à quoi elle s'attendait était là, cinq petites vieilles attablées près d'un tas de linge et d'objets obsolètes. Du thé dans un service en porcelaine et un spéculoos par sous-tasse. Avec les amies de sa grand-mère elle se sentait bien, elle était considérée comme une demoiselle coquette et bien élevée, et recevait toujours quelques compliments. Ce jour-là, elle portait une robe d'été bleue à fines bretelles et des ballerines blanches qui avaient fait grande impression. Madame Blandin était une gentille commère et les renseignements sur son voisinage direct, égrainés lors de ces rencontres typiquement féminines faisaient beaucoup rire Marie-Cécile. Une chance, car les vêtements qu'elle vendait ne l’intéressait pas du tout. Pas plus que les bibelots poussiéreux qu'elle ressortait à chaque réunion et qui ne s'écoulaient jamais. Mais cette fois-ci, la jeune M.C. avait remarqué un miroir au manche en fer forgé et style oriental dont les motifs en fines volutes lui plaisaient beaucoup.

  • Faites vos jeux,mesdames! Trancha joyeusement la petite vieille après avoir fait l'inventaire de toutes ses merveilles.

  • Pauline, il est joli ce miroir, vous me le vendriez pour combien? Hasarda Marie-Cécile

Ravie qu'on s’intéresse à l'objet afin de pouvoir s'étendre en de belles paroles nostalgiques, Pauline répondit:

  • Oh ma jolie, quelle vieillerie que ce machin-là! Ma grand mère à moi -alors tu t'imagines bien jusqu'où  ça remonte- l'avait reçu en cadeau d'un amoureux de passage lorsqu'elle était encore à Tanger, bien avant qu'elle émigre et qu'elle se marie. Mon grand-père l'a toujours eu en horreur et il est resté tellement longtemps dans le grenier qu'on ne l'a retrouvé que bien après son décès. Je l'ai récupéré car je le trouvais joli, encore bien conservé et miraculeusement sans taches.

  • Oui mais,Pauline, combien il coûterait s'il vous plaît ?

  • Et bien si c'est pour toi, et pour peu que Nanny prenne quelque chose, tu peux l'emporter gratuitement

Nanny, qui ne comptait rien acheter, se voyait forcée de donner le change. La transaction se fit sur un service de table comprenant six assiettes plates, quatre creuses et six flûtes à champagne d'un autre temps.



C'est avec ce miroir que Marie-Cécile apprit à se maquiller. À16 ans et après une année des plus chaotique elle reprenait confiance en la vie. Elle avait lu sur internet qu'il était possible de procéder à une pénectomie à condition d'obtenir l'avis favorable d'au moins deux psychiatres, et avait décidé d'économiser son argent de poche ainsi que celui de ses anniversaires afin de payer ce petit miracle une fois ses dix-huit ans révolus. A tâtons, elle reprit contact avec Mathilde qui l'avait invitée à son seizième anniversaire comme à l'enterrement de la hache de guerre, et avait dû faire le tour du centre commercial trois fois pour trouver la robe adéquate, qui puisse être avantageuse sans toutefois laisser apparaître sa différence encombrante. Par chance, la mode des robes-boules y était tout à fait adaptée, c'est donc sur une robe-boule corail avec un mignon nœud papillon blanc au niveau de la poitrine qu'elle jeta son dévolu. Elle prévoyait de la marier avec des mules beiges à talon en bois mais quelques minutes avant le départ, dans un bref instant de lucidité, elle avait pensé qu'elle ne les supporterait pas toute la soirée et enfila sa fameuse paire de ballerines blanches.



Déposée par François, fier de l'élégance de sa petite princesse, elle se fit ouvrir la porte par Mathilde elle-même tout aussi apprêtée, qui sans la moindre hésitation l'enlaça, lui  flanquant deux grosses bises sur les joues comme s'il n'y avait jamais eu de blessures entre elles. Mise à l'aise par l'accueil de ses anciennes camarades de classe, Marie-Cécile dansait sans discontinuer et profitait pleinement de sa première soirée de jeune femme. Aux alentours de minuit, enivrée par le punch délicieux aux accents exotiques qu'avait apporté Julie, elle se posa enfin, essoufflée, sur une chaise. La tête lui tournait et des cheveux collaient à son front, mais elle souriait. Elle était ivre et heureuse, enfin.

  • Hé, t'as l'air crevée! Je t'ai vue sur la piste, tu t'es lâchée, j'aime bien comme tu bouges. Moi c'est Frog, le frère de John, tu connais?

    Un garçon roux plutôt séduisant, aux larges épaules, portant une veste de costume et un jean troué aux genoux s'était assis près d'elle sans même qu'elle ne se rende compte de cette intrusion.

  • Oui je connais John, dit-elle en sursautant presque. Il était dans ma classe en sixième -sympa- . Moi c'est Marie-Cécile mais tu peux m'appeler Marie-Cé, c'est plus court.

Elle tentait d'afficher un air décontracté, quasi indifférent, mais elle était incapable de détourner plus de quelques secondes son attention du rouquin bien bâti qu'elle trouvait si charmant.



Sans plus d'insistance auprès d'elle, il se joignit à des amis près du buffet pour y grignoter quelques chips et bavarder. Marie-Cécile mit plus d'entrain encore à danser langoureusement. A en croire les regards outragés de Julie et Mathilde, de façon bien trop osée pour attirer l'attention de Frog, jetant de temps en temps des œillades suggestives. Jamais elle n'avait bu d'alcool avant ce soir-là. Le punch avait balayé l'espace d'un instant sa condition d'être doublement sexué et elle s'était même surprise à penser, entre deux rasades d'un même verre : «Et si c'était son trip après tout? Et s'il pouvait aimer les deux? Ça l'excite peut-être! »

Isolés et enfermés à double-tour dans la salle de bain de l'étage, Marie-Cécile dut se rendre à l'évidence. Après le passage des premiers baisers fougueux, Frog avait voulu l'asseoir sur le lavabo. Réticente mais désormais complètement saoule, elle ne s'était pas opposée bien longtemps. Une fois qu'elle fut ainsi installée, Frog se dépêcha de remonter la robe jusqu'à la naissance de ses reins et se mit à genoux pour entamer les préliminaires à l'avantage de sa conquête si désirable précédemment, lorsqu'il fut surpris par cette énorme bosse dans ses sous-vêtements. Incrédule et voyant Marie-Cécile dans un état proche de l'inconscience, la tête, dont il ne voyait que le menton, lourdement appuyée sur le carrelage mural, il s'empressa d'écarter l'élastique de la culotte suspecte. À mi-chemin entre le fou-rire et les cris d'horreur nerveux, Frog constatait l'infirmité de la malheureuse et rameutait par la même occasion tous les convives à l'étage, effrayés par ses hurlements répétitifs.

Marie-Cécile reprit conscience rapidement, horrifiée par sa propre bêtise. Comment avait-elle pu croire que cela se passerait normalement? Humiliée et vaseuse, elle essayait de faire taire cet abruti qui tonnait maintenant :«C'est un mec, putain! C'est un pédé! C'est dégueulasse!».

Il résolut de fuir la salle de bain, en entraînant quelques collègues afin de raconter l'anecdote savoureuse, laissant Marie-Cécile dans cette pièce aux lumières criardes, la porte ouverte, en proie aux moqueries et aux commentaires dégradants de celles qui se disaient être ses amies.

  • Vas-y fais voir, c'est bon! Disait Julie

  • Et si je te donne trente euros tu nous le montres? Proposait John

  • Tu t'es fait opérer alors que t'es même pas majeure, t'es lesbienne alors en vrai? argumentait Océane.



Notre infortunée dut se frayer un chemin parmi la foule agglutinée devant les escaliers en jouant des coudes et s'enfuit à son tour hors de cette fête où elle avait perdu toute dignité. Elle courut tant que ses jambes le lui permettaient, les larmes embuant sa vision, jusqu'à un carrefour d'où elle appela son père pour qu'il vienne la chercher. François arriva très vite, dans la voiture elle lui mentit :

Julie ne m'avait invitée que pour se moquer de moi, papa. Elle ne veut plus être mon amie, elle m'a mise dehors pour m'humilier en public. Je ne veux pas en parler s'il te plaît, rentrons directement à la maison.

Une fois à l'abri dans sa chambre, elle sanglota de plus belle, laissant couler le reste du mascara sur la taie d'oreiller. Puis, prise d'un de ses accès de lucidité fréquents mais néanmoins étranges, elle se leva d'un bond, alluma son ordinateur qui se mit à ronronner lentement et effaça toute trace de sa vie virtuelle. Plus d'adresse mail, plus d'inscriptions à divers forums, plus de compte sur les réseaux sociaux. Elle éteignit également son téléphone portable qu'elle jeta dans le fond d'un tiroir. Soulagée, elle attrapa le miroir à manche, des disques de coton et une lotion démaquillante et entreprit d'éloigner les marques de cette soirée sur son visage bouffi de douleur. Nanny Cocotte dit toujours qu'il ne faut jamais oublier de se démaquiller avant de dormir, sinon les rides apparaissent plus vite et en plus grande quantité. Elle était peut-être un gars mais au moins elle n'aurait pas de rides.



S'apercevant du ridicule de la situation elle s'immobilisa devant son reflet, le coton pliant sous ses ongles crispés, et pleura de nouveau, silencieusement. Ses larmes coulaient, paisibles, le long de ses joues et venaient s'écraser sur la surface réfléchissante du miroir en "plocs" pénibles et mécaniques.

  • Quelle est cette grande douleur que je perçois jusqu'aux profondeurs de mon misérable cachot?

Marie-Cécile s'arrêta net, les yeux écarquillés. Regardant partout autour d'elle, pensant avoir affaire à un malfaiteur, elle se tenait prête à appeler François à son secours.

  • Là... là, douce inconnue, regarde à l'intérieur de ta propre image et tu me trouveras.

    La demoiselle, toujours agrippée à son miroir, s'y regarda et au lieu d'y voir son visage, elle put contempler celui d'un homme de couleur dont les yeux étaient bandés par un épais tissus blanc. Elle songeait qu'elle avait bien trop bu durant la boum et qu'elle en perdait l'esprit. Après de nombreuses tentatives pour reprendre conscience , fermant et rouvrant les yeux frénétiquement, prenant de grandes bouffées d'air frais à la fenêtre, l'homme ne s'était toujours pas évaporé.

Assise en tailleur au milieu du lit,elle reprit l'objet et scruta l'homme attentivement, en réfléchissant tout haut.

  • Si moi je suis un monstre, pourquoi ce miroir ne pourrait-il pas parler?

  • Gracieuse, je te vois. Mes yeux sont couverts mais j'ai la conscience de toute chose et je sais que tu n'es pas un monstre. Superbe créature, fille d'Hermès et d'Aphrodite, les Hommes sont ignorants mais tu es bien plus qu'Humaine, réjouis-toi.

Flattée, Marie-Cécile lui prêtait une oreille attentive et s'imaginait à présent être une reine, peut-être même une déesse échouée sur Terre. Le discours du miroir la séduisait assez et elle en attendait plus.

La nuit déjà bien entamée, l'homme fut loquace et élogieux jusqu'à ce que la jeune fille exprime son désir de sommeil.

  • Ma rosée providentielle, le pauvre infirme que je suis pourrait-il quémander une simple faveur?

  • Oui, que puis-je faire pour toi ?accorda MC.

  • Tellement d'années sont passées sans que je puisse sentir une si chaleureuse existence près de moi, j'aimerais tant passer le reste de la nuit à tes côtés afin de contempler encore un peu les boucles dorées qui encadrent ton beau visage. Consentiras-tu à poser ma prison de fer sur ton oreiller jusqu'au lever du Soleil?



Marie-Cécile n'y vit aucune objection. Les quelques heures qui la séparaient du jour furent peuplées de rêves érotiques où l'indicible côtoyait une sensualité bien longtemps refoulée. Elle se vit maîtresse, jouissant de son corps de femme en compagnie d'un esclave noir encore enchaîné. Le réveil fut plus masculin toutefois, avec une érection matinale qui diminua de beaucoup son confort. Elle s'étira, décidée à ne plus faire aucun cas des événements désastreux de samedi soir qui, s'était-elle dit, n'étaient qu'un mal pour un bien, en vue d'assumer pleinement sa condition nouvellement découverte d'être mystique.



Se saisissant de son allié de la veille qui ne reparaissait pas encore, elle le convoqua.

  • Eh oh, debout là-dedans! Je peux savoir ton prénom ? ... Miroir,t'es là? Parle-moi, t'es où?

Pas de réponse. Plusieurs fois dans la matinée elle était montée dans la chambre afin de vérifier s'il n'était pas réapparu par lui-même, en vain. Impossible qu'elle ait rêvé cette discussion, elle était persuadée de s'être entretenue avec cet homme mais elle ne se pardonnait pas de ne pas en avoir appris plus à son propos. Il reviendrait peut-être seul lorsqu'il en aurait besoin, se dit-elle.



Les semaines passaient, les mois bientôt, sans qu'elle ait de nouvelles de son bienfaiteur d'une nuit. Chaque matin elle se grimait en femme à l'aide du miroir, chaque soir elle se démaquillait, espérant renouer le fil de cette nuit magique. Elle ne se faisait belle que pour lui, car elle ne sortait plus de chez elle, hormis les visites mensuelles chez l'endocrinologue.

Le 24 mai, plus ou moins quatre mois après la nuit passée avec l'homme du miroir, elle avait justement rendez-vous en début d'après-midi avec Martine, qui s'occupait d'elle depuis ses sept ans. Elle était de loin le médecin qu'elle préférait de tous ceux qu'elle avait vu à propos de son intersexuation. C'était une femme avenante d'une cinquantaine d'années, la blague facile et qui faisait preuve d'une grande tendresse envers elle. Il lui arrivait parfois de grignoter des minutes sur les prochains patients afin de terminer une discussion avec Marie-Cécile qui se confiait à elle comme à Nanny ,bien plus qu'à ses propres parents. Elle avait vite proposé de la tutoyer, instituant d'emblée un climat d'égalité propice à cette longue prise en charge. Ce jour-là Marie-Cécile avait prévu de ne pas trop s'éterniser au cabinet car elle devait accompagner Nanny Cocotte au salon du chiot.



À l'entrée de l'hôpital, elle adressa une salutation joviale à la dame de l'accueil.

  • Ah ! Bah voilà la plus belle, dépêche-toi un peu de monter, Marie-Cé! Martine est impatiente de te voir, elle a des ragots pour toi, on dirait. Et la grosse dame fut secouée par un rire spasmodique.

Marie-Cécile était seule dans l’ascenseur qui la menait au 6ème étage. Entre le second et le troisième étage, l’ascenseur s'était arrêté. Elle s'attendait à ce que les portes s'ouvrent pour laisser entrer d'autres passagers mais à sa grande surprise elles restaient closes. Elle s'apprêtait à appuyer sur le bouton d'alarme pour obtenir une aide de la part d'un technicien quand soudain elle fut prise d'une violente douleur abdominale. S'accrochant à la rambarde elle fut submergée par une souffrance si intense et diffuse qu'elle ne put s'empêcher de hurler. Son doigt à de nombreuses reprises loupait l'alarme et les secondes se transformaient en éternité. L'engin semblait tourbillonner sur lui-même, rapidement, tel le filet d'eau dans un siphon infini. Tombée au sol, adossée à une paroi, un flot de sang jaillit de l'entrejambe de la jeune femme, libérant un cri de terreur déchirant.

C'est inconsciente qu'elle arriva au sixième. Très vite prise en charge par une équipe d'urgentistes, elle se réveilla en réanimation à vingt-deux heures. Remontée en chambre, complètement stone,elle était attendue par Nanny, François et Manon très anxieux.

Nanny était arrivée la première lorsqu'elle avait appris la funeste nouvelle. Elle avait eu le temps de parler au médecin qui s’était occupé de MC. Elle savait tout et n'avait pas été tout à fait honnête avec son fils et sa belle-fille.Après avoir observé un silence religieux de rigueur, vint le temps des embrassades réconfortantes.

  • Tu nous as fait une belle petite frayeur, ma fleur, lâcha Nanny Cocotte avant de demander en aparté à François de la laisser un peu seule avec sa petite-fille.

Isolée avec Marie-Cécile , elle installa une fesse sur le lit, s'appuyant de tout son poids sur la jambe opposée.

  • Pourquoi tu n'as pas parlé à Nanny, Marie-Cé? Tu avais peur que je te gronde ? Dit-elle, doucereuse.

Elle ne comprenait pas ce qu'insinuait sa grand-mère.

  • Ma fleur, tu me le dirais si quelqu'un t'avait fait du mal n'est-ce pas? Tu m'aurait dit si t'avais des problèmes ?

  • Oui Nanny, personne ne me fait de mal c'est promis. Répondit-elle, interloquée.

  • Alors ce bébé, tu sais qui est le père? Déduisit Nanny.



Un bébé, mais quel bébé? Marie-Cécile demeurait paralysée sous les draps. Était-elle enceinte, elle qui n'avait eu qu'une seule occasion jusqu'ici de contact charnel avec Frog, qui s'était soldée par le plus complet inachèvement ? Toujours aussi farfelue qu'à ses onze ans, l'idée qu'elle avait pu se mettre enceinte elle-même en éjaculant durant son sommeil effleura son esprit.

  • Nanny, je te jure que je n'ai jamais couché! Ce n'est pas possible, je suis vierge, c'est juré. Nanny ! Tu sais, toi,que je ne suis pas une fille comme ça? Implorait-elle.

     

Évidemment Nanny ne la croyait pas. Elle n'était pas née de la dernière pluie mais elle aimait sa petite-fille plus que tout au monde alors, elle lui avait demandé de prendre une décision quant à l'enfant qu'elle portait au plus vite. Il était encore temps pour avorter, elle lui laissait trois jours pour donner une réponse ferme et définitive, après quoi elle se chargeait d'en parler à ses parents.

Ce laps de temps passé en observation à l’hôpital fut bien trop long au goût de Marie-Cécile qui, le soir-même savait qu'elle garderait ce bébé. Elle ne savait pas de qui il pouvait être, mais d'aussi loin qu'elle s'en souvienne, elle était persuadée d'être stérile. Martine, qui était venue prendre des nouvelles de sa patiente après le départ de ses parents, avait enfoncé le clou en lui affirmant être sûre qu'elle ne pourrait plus avoir d'enfant si elle avait recours à l'IVG et que ce rejeton , même s'il arrivait comme un cheveu sur la soupe, était un miracle de la Nature.

 

Marie-Cécile respecta le délai imposé par Nanny et attendit le troisième jour, celui de sa sortie, pour lui exprimer son désir de mettre au monde cet enfant.

  • Bien, avait simplement répondu Nanny



Au retour, elle avait parlé aux parents de la jeune-fille qui entendait, terrée dans sa chambre, les éclats de voix de son père et les pleurs de sa mère. François voulait un avortement. Hors de question d'élever un enfant qui sort de nulle part. Bien trop jeune, bien trop naïve ...elle n'y arriverait pas, c'était de l'inconscience pure! Manon, amorphe, passait ses journées les yeux égarés dans le vide sans adresser la parole à sa fille. De nouveau, elle rejetait cette chose infâme expulsée un soir d'été qui aurait dû être joyeux.Black-out, silence radio, on éteint les lumières et on se fait prescrire du Prozac.

Marie-Cécile, habituée à l'amour sans bornes de ses parents, en particulier de son père, ne supportait plus les tensions liées au bébé. Son enfant, qu'elle sentait de plus en plus présent en elle et qu'elle ne pouvait se résoudre à abandonner. Elle aurait voulu leur crier qu'elle ne pouvait pas étouffer la seule chance qu'elle aurait jamais de donner la vie. Pour son bien et celui de son enfant elle s'était installée chez Nanny, sans pour autant couper les ponts avec ses parents à qui elle rendait visite régulièrement.

Sa grand-mère était une source inépuisable de douceur et d'attention pour l'adolescente qui vivait sa grossesse dans la plus grande des quiétudes. Nanny Cocotte avait déplacé toutes les babioles d'une des quatre chambres de sa maison dans un garde-meuble pour y faire celle de son arrière-petit-enfant, et lui avait offert une chambre que Marie-Cécile avait choisie sur un catalogue.

Ses parents s'investissaient désormais dans la perspective de la future naissance et achetèrent tout le matériel de puériculture, et une quantité excessive de vêtements de couleur neutre pour le nourrisson. Leur fille n'avait pas voulu connaître le sexe de son bambin, et ce même à la dernière échographie pour suivre l'exemple de sa mère. Elle n'avait pas voulu non plus bénéficier d'une péridurale. Manon n'en parlait pas, mais elle redoutait que cet enfant soit affublé de la même tare que sa fille. François, lui, se voyait bien papy, à bien y réfléchir.

 

La jeune mère baladait fièrement son imposant huitième mois en ville,les jours de marché. Tous les racontars pouvaient bien aller se faire voir, elle avait une preuve indéniable qu'elle était une femme dans toute son acception et on bavassait maintenant bien plus sur son jeune âge pour être mère qu'à propos de cet hypothétique pénis dont un seul adolescent, réputé drogué de toute façon, prétendait détenir la vérité.

 

Nanny succomba d'une chute du premier étage de sa maison à quelques jours du terme. Un policier expliqua à François qu'elle se trouvait dans la chambre de l'enfant et se tenait vraisemblablement en équilibre sur la pointe des pieds, penchée au dessus de la barre de sécurité afin d'attacher les volets grands ouverts pour accueillir cet enfant dans la lumière du jour, lorsqu'elle avait basculé de l'autre côté. L'annonce du décès produisit un tel choc sur Marie-Cécile qu'elle déclencha ses contractions dans l'heure. Elle n'eut pas le temps de vivre son chagrin. Elle fut très rapidement envoyée en salle de travail entourée de trois obstétriciens au lieu d'un, de plusieurs sages-femmes qui se relayaient et un chirurgien se tenait à disposition "au cas où". À ce tableau manquait seulement sa grand-mère à qui elle avait prévu une place privilégiée, ce jour-là. Branchée de toute part, on avait fini par lui imposer une péridurale sauvage.

Sa mère uniquement, avait été autorisée à l'accompagner à l'intérieur et c'est elle qui lui donnait la main à la place de Nanny Cocotte. François demeurait, tourmenté, dans la salle d'attente.

Dix-sept heures de travail plus tard, Marie-Cécile faisait la connaissance de son fils. La peur et la douleur s'envolait à mesure qu'elle le regardait. Il était parfait, il ne présentait aucune différence avec tous les autres enfants. Il avait réussi à téter tout de suite et s'était endormi comme un ange sur le sein de sa mère. François et Manon dont a priori prirent réellement fin à ce moment-là, accueillirent l'enfant avec d'autant plus de joie qu'il serait le seul petit- enfant qu'ils auraient. Déterminés à le choyer, comme un être unique et rare qu'il était, ils  mettaient en lui à présent tous les espoirs qu'ils n'avaient pu mettre en leur propre petit garçon bien trop fille.



  • Enzo, inscrivez Enzo s'il vous plaît" répondit Marie-Cécile à la sage-femme qui nota illico sur le carnet de santé, le prénom du nouveau-né.



Le petit Enzo ne présentait qu'une jaunisse typique du nourrisson. Seulement trois jours sous ultraviolets étaient nécessaires pour la supprimer totalement. Enzo, dans sa couveuse installée près du lit de Marie-Cécile, avait l'air d'un extra-terrestre ainsi illuminé par un faisceau plus bleu que violet et affublé de lunettes en mousse qu'il ne supportait pas. La valse des visites et des félicitations réelles et simulées avait laissé dans la très petite chambre d’hôpital des bouquets magnifiques et une jeune maman exténuée.

Ses yeux, après avoir combattu encore quelques heures afin de regarder plus longtemps le merveilleux chérubin à qui elle venait de donner le jour, avaient fini par plier sous le poids d'une trop grande fatigue.



Marie-Cécile était maman.



Le brouhaha des chariots portant les petits déjeuners aux patientes du service de néonatologie, réveilla progressivement la jeune femme. Elle profitait de la chaleur des rayons de soleil filtrés par les volets mécaniques à demi ouverts. En papillonnant, ses paupières la préparaient doucement au réveil. Lorsqu'elle eut enfin les yeux ouverts, elle chercha la couveuse du regard. La couveuse était éteinte. Enzo n'y était plus.

Malgré une épisiotomie encore douloureuse, Marie-Cécile terrifiée, se leva afin d'appeler une sage-femme. Elle avait regardé partout, s'était traînée jusqu'au couloir courbée comme un bossu, elle essayait de se raisonner en attendant qu'une infirmière réponde à son alarme. Après tout, son bébé avait certainement été emmené par l'une d'elles afin de lui donner un bain, c'était elle qui avait dû éteindre la couveuse.

Une fois sa chambre réintégrée et totalement redressée près de son lit, elle put apercevoir un objet dépassant de la couverture à l'intérieur de la couveuse. Surprise, elle s'était approchée pour découvrir le miroir à manche de Pauline Blandin portant cette inscription latine au rouge à lèvres:

Incubus Sum.

L'enfant avait un père.



***

  • L'alarme! Le bouton d'alarme! Où est cette fichue sonnerie? Au secours, ouvrez cet ascenseur ! Aidez-moi...



 

 

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Commentaires
A
Bravo !! Vraiment captivée encore une fois du début à la fin j'aime ce suspens ;) <br /> <br /> Es t-elle devenue cet homme ? Cette grossesse n'est t-elle pas imaginée ? je reste dubitative sur cette fin ^^
A
Etonnant mais toujours aussi bien à lire, on est plongé dans l'histoire! Je m'en lasse pas cousine ;) !
J
Super texte ! Par contre je ne suis pas sûre d'avoir compris la fin. sa grossesse était un rêve ? Le bébé a été emporté dans le miroir ? Les deux ? Enfin sinon c'est super, et puis les fins ouvertes ne me dérangent pas plus que ça. je peux même dire que ce texte relève du genre fantastique, merci Mme Parmentier ;-)
M
euh,...là, tu m'as bluffée!!!! <br /> <br /> encore bravo pr ce thème original, ton suspens captivant; tu sais mener ton lecteur et accrocher son attention<br /> <br /> j'aurai juste cru à qq (légers mais précieux) détails quant aux émotions de la petite fille sur sa particularité!<br /> <br /> mais en tous cas : BRAVOS !
K
Wouahhhhhh jusqu'au bout en haleine ..... Et la fin !!!!!!!!! Juste surprenante bravo
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